Maisons d’artistes, lieux de création
Promenade vagabonde à travers un patrimoine artistique et  littéraire

Conférence de Jeannette PROST le 10 mai 2009
Chateau de Ripaille

 

exposé en cours de construction

Pousser la porte d’une maison d’artiste, c’est aller à la recherche d’une meilleure connaissance de sa personnalit é. Le cadre où il a vécu, travaillé, aimé, souffert, aide à mieux le comprendre. Goethe a écrit : « Qui veut comprendre le poète, doit aller dans le pays du poète ».
La maison joue un rôle souvent essentiel dans la vie d’un artiste, car elle peut être le lieu qui favorise l’imagination créatrice.
Nous vous proposons donc de visiter certaines de ces demeures inspirées que nous avons sélectionnées parce que les souvenirs de l’artiste y étaient le mieux préservés.
Notre itinéraire a été guidé par des choix personnels, des émotions éprouvées lors de nos visites, où l’on pouvait sentir le parfum d’une présence, où l’on s’attendait même, parfois, à surprendre l’hôte : peintre, écrivain, musicien ou poète, qui à son chevalet, qui à sa table de travail ou devant une partition, prêt à nous accueillir.
Pour l’avoir vécu personnellement je partage tout à fait ce qu’écrit Jérôme Garcin, dans « Littérature vagabonde » :
C’est parce que je dois aux livres mes plus grands bonheurs, mes plus belles surprises, mes plus longs voyages que j’ai tant aimé me promener dans les campagnes, les villages, où avaient vécu ces écrivains morts ; d’ailleurs ils vivent toujours quand on les lit… Ce n’étaient pas des pèlerinages, mais des visites. Parfois même des retrouvailles imaginaires » comme Giono.
Ce choix, non exhaustif a été difficile, car peu de maisons d’artiste ont été conservées comme leur occupant les avait aménagées. Beaucoup ont été restaurées et transformées en musées. Dans nos recherches, nous avons constaté que beaucoup d’autres, hélas, ont disparu ou modifiées par de nouveaux propriétaires, perdant ainsi le souvenir de ceux qui les avaient habitées.
Mais, si les maisons sont des endroits privilégiés pour la création, il est des lieux, des paysages, qui ont inspiré peintres, écrivains, poètes  ou musiciens.
 Il en est ainsi de certains villages en Normandie, en Ile de France ou ailleurs, dans notre pays, qui font partie maintenant de notre patrimoine artistique et culturel, devenus célèbres par la présence d’artistes qui ont trouvé là, l’inspiration ,seul ou en groupe, voire en « Ecole ».
Enfin, il est d’autres lieux, lieux de mémoire, ruines historiques, qui nous ont émus particulièrement, comme les Tours de Merle. Dans un site d’une extraordinaire beauté, un rocher jailli du ravin de la Maronne qui l’enserre, porte les ruines des donjons des chevaliers de Merle où vécurent, dans un passé lointain, sept  seigneurs épris de beauté ou de conquêtes belliqueuses ou…amoureuses ! et qui nous ont laissé, au fond d’une vallée perdue de la France profonde, ces restes de vie si parlants à notre sensibilité et à notre imagination.
En évoquant les sites qui ont inspiré les artistes, ne faut-il pas commencer par les premiers d’entre eux : les grottes préhistoriques ? Lascaux, Pech Merle, la grotte Chauvet récemment découverte et tant d’autres… Ces peintres de la pierre furent les premiers artistes du monde et ces grottes, les premiers lieux inspirés
Les livres de pierre que nous ont laissé les sculpteurs du Moyen-Age aux tympans des églises romanes des XI et XII s. font aussi partie de notre patrimoine. Conques (Vézelay et tant d’autres, sont aussi des lieux de mémoire.  les fresques de St-Savin sur Gartempe, sauvées par Mérimée,
les chapiteaux et l’intérieur de l’église d’Issoire... Tous ces monuments ont subsisté à travers le temps, nous donnant, au 21éme siècle, une leçon d’humilité, mais aussi éveillant en beaucoup d’entre nous, le désir de les voir et de connaître leur histoire.
La première musique de la création fut le chant des oiseaux qui, grâce à leur syrinx, ou larinx inférieur, modulent des notes plus ou moins mélodieuses. Entendre le chant du rossignol par une belle nuit d’été  est un plaisir ineffable et, comme dit un proverbe polonais :
«  Il n’est pas nécessaire de comprendre le chant du rossignol pour s’en émerveiller  ».
Les bergers grecs de la mythologie jouaient de la flûte de pan ou syrinx (souvenons-nous de Daphnis et Chloé). Comme la littérature, comme la peinture, la musique, a ses lieux d’inspiration  et de création : le nord de la France avec Arras et ses trouvères, le sud avec le château de Ventadour, les troubadours et les ménestrels
Les musiciens du XIXè. siècle notamment, ont été souvent inspirés eux aussi, par les lieux, les demeures qu’ils ont habitées et la nature qui les entourait.        
Enfin, la musique est un langage universel qui peut être compris de tous, qui parle au cœur et à la sensibilité de chaque être humain.
Le vagabondage vers ces lieux, commence par Paris.
Paris a toujours brillé d’un éclat particulier. La ville lumière attirait irrésistiblement les artistes. Il y a longtemps François Villon disait :
«Il n’est bon bec que de Paris»
Bon bec, c’est à dire la bonne parole, le mot juste, le parler imagé, la langue verte.
Si le vieux Paris n’existe plus,  à notre vue tout au moins, celui du 19ème siècle, le Paris de Balzac, celui d’Eugène Sue, celui d’Alexandre Dumas et tant d’autres, poètes ou rapins, nous allons tenter de le faire revivre en visitant avec vous ces endroits si évocateurs.

Au 19ème siècle, et au début du 20ème,on vit naître à Paris des lieux de travail, de rencontres et d’échanges : des brasseries, des cafés, puis des cabarets. Ainsi se constituèrent des quartiers d’artistes où se développa la « vie de bohème »
Situé rue de l’Ancienne Comédie, au N° 13, le Café Procope est certainement l’un des plus anciens hauts lieux littéraires de Paris.
Il fut fondé en 1684 par Francesco Procopio del Coltelli, noble sicilien reconverti dans l’arôme nouveau appelé café, juste en face de la Comédie française. On y vit Jean de La Fontaine, Voltaire, Marivaux, Beaumarchais, Diderot. Plus tard, G. Sand et Musset y feront de longues stations, puis Daudet, Coppée. Verlaine s’y saoulera d’absinthe
C’est la plus ancienne guinguette de Montmartre au temps des moulins et des vignes.
« Pour Pierre Mac Orlan, dont le livre Rue Saint-Vincent est un remarquable document auréolé d’une poésie sombre, le caractère romanesque de la Butte est lié à l’amer souvenir d’une vie de misère dans un Montmartre où régnaient « la fille et le couteau. »
L’auteur de Quai des Brumes , fréquentait au coin de la rue des Saules et de la rue St-Vincent, une vieille maison, appelée d’abord « Le Rendez-vous des  voleurs » puis « Cabaret des Assassins » On y buvait sec et on y dansait le dimanche.
Vers 1880, le propriétaire demanda à André Gill, caricaturiste connu, de lui peindre une enseigne. Gill imagina un lapin debout s’échappant d’une casserole et tenant une bouteille entre ses pattes. C’était le lapin à Gill, qui deviendra le lapin Agile.
En 1903, le cabaret, acquis par A.Bruant, fut confié à Frédéric Gérard, surnommé le Grand Frédé, qui eut l’idée d’en faire un repaire d’artistes et de poètes à qui il donnait là une occasion de se faire connaître d’une clientèle empressée à s’encanailler sans danger. Ce fut le rendez-vous de la bohême montmartroise : peintres et poètes s’y retrouvaient.
Picasso habitait non loin de là, au Bateau Lavoir, où il peindra, en 1807 le fameux tableau « Les Demoiselles d’Avignon » Il était un habitué du Lapin Agile.
Ce cabaret célèbre survit de nos jours . Rien n’a beaucoup changé. Ch. Chaplin, en verve, y dessina les gros souliers de Charlot. Les touristes du monde entier y viennent  déguster, comme autrefois, les traditionnelles cerises à l’eau de vie que Frédé offrait jadis à ses amis.
Quant au Bateau Lavoir, il fut classé Monument Historique par A. Malraux., le 01/12/1969 et cinq mois plus tard, il brûlait au cours d’un incendie mystérieux.
Mais de l’autre côté de la Seine, à Montparnasse, Alfred Boucher, un sculpteur, humaniste et mécène, créa une cité d’artistes qu’il appela « La Ruche » parce que construite en forme d’alvéoles, où il abrita des jeunes artistes venus de l’Europe de l’Est comme Chagall, Soutine, Zadkine, le polonais, qui fut le portraitiste de Colette, M. Morgan et d’autres. L’italien Modigliani y fit des séjours. Tous ces jeunes, ils avaient tous une vingtaine d’années, crevaient la fin, mais avaient soif de création et surtout ils voulaient l’exprimer librement. Ils connurent le succès, certains après leur mort et leurs œuvres ont atteint une valeur considérable. Paris était devenue, à cette époque, la capitale artistique.
Les cafés de Montparnasse, la Closerie des Lilas, la Coupole, la Rotonde, le Dôme, accueillaient toute cette bohème, qui, malgré la misère, buvait joyeusement.
La Nouvelle Athènes Ce nom fut aussi celui d’une célèbre brasserie de la place Pigalle. Il a été donné dans les années 1820, au quartier Saint-Georges, situé en bas de la colline de Montmartre, qui comportait de ravissants petits hôtels particuliers séparés par des jardins
Artistes en tous genres y habitèrent entre 1830 et 1850. Peintres, musiciens, écrivains, affluèrent dans le quartier qui devint le véritable foyer de la vie romantique à l’époque de la révolution du même nom.
Au N° 16 de la rue Chaptal, une maison à l’italienne fut la propriété du peinte Ary Scheffer qui y reçut l’élite des arts et des lettres : Ingres, Delacroix, Liszt, Chopin, Sand, Lamartine, Tourgueniev. La ville de Paris en fit le musée de la Vie Romantique.
La Butte Montmartre et ses environs fut donc une sorte de colline inspirée. Et de 1885 à 1900, les poètes s’y mêlèrent à la foule des noctambules. Ce fut l’âge des tavernes où se retrouvaient Barbey d’Aurevilly, A. Allais et bien d’autres devenus célèbres. Zola fréquenta ces lieux qui lui procurèrent les ingrédients et les héros de « l’Assommoir »
Le café Guerbois
Situé dans le quartier des Batignolles, ou plutôt, le village des Batignolles, qui fut rattaché à la ville de Paris en 1860.
Ce fut un univers pittoresque avec des rues trop neuves, qui ne menaient qu’à des potagers trop vieux et surtout à des terrains très vagues. Mais les loyers étant moins chers que dans Paris, les artistes s’y installèrent. Le café Guerbois, situé au N° 11 de ce qui est, aujourd’hui l’avenue de Clichy, devint le rendez-vous des peintres, futurs impressionnistes, réunis autour de Manet dont l’atelier et le domicile se trouvaient tout près, Bd des Batignolles. Tous les vendredis,  Manet recevait au Café Guerbois :Degas, Renoir, Pissaro, Monet, Cézanne, quelques fois. Outre les peintres, y venaient aussi des écrivains : Zola, entre autres.
Le cabaret  des Quat’zarts, lancé en 1893 par François Trombert, Bd de Clichy  accueillit
Jehan Rictus, ce Villon du 19ème siècle, qui s’y produisait en redingote et gibus Il finit dans la misère et dans une mansarde, abandonné par la gloire. Il a pourtant écrit une poésie populiste dans l’argot de l’époque mais qui ne laisse pas indifférent. Notamment : « les Soliloques du pauvre » et « le Cœur populaire » , tous ces poètes chansonniers pour qui la vraie poésie devait être dite plutôt qu’écrite, c’est-à-dire vivante et communicable
Enfin, toujours aux Batignolles, qui n’a pas entendu parler, même de nos jours, du cabaret « Le Chat Noir », rendu célèbre, notamment par la chanson : Je cherche fortune … Ch. Cros y récita ses premiers poèmes, comme « le Hareng saur »
Rue de l’Odéon
La rue de l’Odéon fut et demeure vouée à l’heureux commerce de la librairie et le lieu de rencontres de chercheurs d’ouvrages rares ou introuvables.
A la fin de la 1ère  guerre mondiale, une certaine Adrienne Monnier née d’un père jurassien et d’une mère savoyarde ouvrit, à 23 ans, au N° 7 de cette rue, une librairie qui fit date dans le Paris littéraire. Elle s’appelait « La Maison des Amis des Livres ».
Ce fut, non seulement une librairie avec des ouvrages d’avant-garde, mais aussi le lieu de rencontres des écrivains du moment. A. Monnier avait su en faire un foyer d’idées et attiré à elle toute la jeunesse littéraire : L.P. Fargue, V. Larbaud, Apollinaire, P. Valéry et Eric Satie , le musicien, découvrirent le lieu et ne le quittèrent plus.
En 1919, une jeune américaine nommée Sylvia Beach, eut l’idée originale d’ouvrir une librairie de langue anglaise. 1919 fut l’année où des américains fuyant la prohibition (à Paris, on pouvait boire librement !)débarquèrent dans la capitale pour coloniser la rive gauche . Hezra Pound, Ernest Hemingway, Scott Fitzgerald, se pressèrent dans cette librairie appelée « Shakespeare and Company ». L’Irlandais James Joyce y fit sa première apparition. Adrienne Monnier édita la version française d’Ulysse. Des écrivains français furent aussi des fidèles, comme P. Valéry et A. Gide.
En 1922, S. Beach se trouvant trop à l’étroit, décida de transporter sa librairie au 12 de la rue de l’Odéon, en face de la librairie d’A . Monnier. Entre les deux femmes le courant passa et l’une des échoppes devint la succursale de l’autre !  Shakespeare and C° existe toujours et si la librairie d’A.Monnier a disparu pendant longtemps, en 1991, la Maison des Amis du livre, fut rouverte dans l’esprit même de sa fondatrice.
Une autre américaine d’origine juive autrichienne, Gertrude Stein, s’installe à Paris rue de Fleurus. Ayant du flair en peinture moderne elle ornera son appartement de toiles de Cézanne, de Matisse, de Picasso, qui fera d’elle un portrait célèbre.
Elle va recevoir chez elle, les plus prestigieux de ses compatriotes C’est elle qui lancera l’expression « La génération perdue » dans cette période aussi appelée « Les Années folles »
Mais avant de partir vers la province, il nous faut évoquer l’hôtel Lambert qui abrita des artistes exilés polonais au 19ème siècle.
Quittant Paris, notre vagabondage artistique nous conduit en Bourgogne du nord. Tout près de la très célèbre abbaye de Fontenay, de style roman cistercien, se trouve, caché dans la verdure de son parc, le château de Bussy Rabutin, élégante demeure du  17ème siècle.
Roger de Rabutin, comte de Bussy, cousin de la marquise de Sévigné est né en 1618.et mort en 1693.
Pour amuser une maîtresse très chère, Bussy écrivit son chef d’œuvre : « l’Histoire amoureuse des Gaules  » Une rivale recopia le manuscrit et le fit déposer sur le bureau de Louis XIV ! Cet incident rapporta 13 mois de Bastille au malheureux comte, puis l’exil perpétuel dans son château de Bourgogne, où il passa les années qui lui restaient à vivre, à faire peindre sur les lambris de sa demeure, ses bonheurs, sa gloire, ses amours, ses disgrâces, toute la philosophie humoristique qui résumait sa vie. Par son goût prononcé du scandale, il sut embellir son château de devises et de tableaux pleins d’impertinence et de poésie. Ces peintures anecdotiques font de ce lieu l’exemple exceptionnel d’une demeure de grande classe entièrement décorée par son possesseur qui y rédigeait ses œuvres en même temps. Ce décor, composé par lui, devint à son insu, plus célèbre que son œuvre d’écrivain. Ce lieu est un régal de charme et d’humour

Toujours par des chemins de traverse, les grandes routes ne sont pas des lieux qui inspirent, nous apercevons la Roche de Solutré qui dresse sa silhouette à l’horizon, Berzé le Chatel. et bientôt le village de Milly, devenu Milly Lamartine.
C’est en effet dans ce petit village qu’Alphonse de Lamartine passe, auprès de sa mère, ses années d’enfance et d’adolescence. La maison de Milly et le château de Saint-Point situé tout près, ont été immortalisés par le poète en des strophes si touchantes, ou décrits par lui en des passages d’une séduction si profonde, que, toujours, sa haute figure se détache sur ces deux paysages célèbres :
Montagnes que voilait le brouillard de l’automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l’émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain…
Chaumières où du foyer étincelait la flamme 
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?

Sa venue à Aix les Bains en 1817, a permis à Lamartine de connaître celle qui lui inspira le poème sur le Lac, rendant ainsi célèbre le Lac du Bourget : « O temps, suspend ton vol ! »


Le poète n’a pas chanté seulement le lac du Bourget, mais aussi le Léman au bord duquel il s’est réfugié durant les Cent-jours.  On sait qu’il séjourna à Nernier, au bord du Léman, en tant que prisonnier. Il y tomba amoureux de la fille de son geôlier. On peut voir dans ce charmant village une plaque immortalisant ce séjour. Il vint aussi à Evian :

Pour moi, cygne d’hiver, égaré sur tes plages,
Qui retourne affronter son ciel chargé d’orages,
Puissé-je quelquefois dans ton cristal mouillé,
Retremper, ô Léman, mon plumage souillé !
Puissé-je comme hier, couché sur le pré sombre,
Où les grands châtaigniers d’Evian penchent l’ombre,
Regarder sur ton sein la voile du pêcheur,
Triangle lumineux, découper sa blancheur…

Lamartine naquit à Macon le 21 octobre 1790 et mourut à Paris le 18 février 1869.


Si Saint-Sauveur en Puisaye se trouve plutôt dans le Morvan, pourtant,  Colette, notre grande Colette qui y naquit en 1873, revendique son appartenance à la Bourgogne, ne serait-ce que sa façon si bourguignonne de rouler les « rrr »
Pour comprendre celle qui se fit livrer à son appartement du Palais-Royal, pour son quatre-vingtième anniversaire, un lièvre à la royale piqué de quatre-vingt gousses d’ail et d’échalote, il faut aller se promener du côté de St-Sauveur.
« < Viens, toi qui l’ignore. Viens que je te dise tout bas : le parfum des bois de mon pays égale la fraise et la rose » écrivait Colette dans « les Vrilles de la vigne » en évoquant son pays natal, Saint-Sauveur en Puisaye, enclave bourguignonne dans le Morvan
«Le charme, le délice de ce pays fait de collines et de vallées si étroites que quelques unes sont des ravins, c’est le bois, les bois profonds et envahisseurs qui moutonnent et ondulent jusque là-bas, aussi loin qu’on peut voir » précisait encore l’écrivain dans « Claudine à l’école » De Claudine à Sido, en passant par les vrilles de la vigne, on retrouve la plupart des chemins, des étangs, des sous-bois si bien décrits par la romancière.

C’est dans la Franche-Comté voisine que nous allons maintenant. Dans un village rendu célèbre par un de ses enfants. Le peintre Gustave Courbet est en effet né en 1819, à Ornans, département du Doubs. Il y a passé son enfance et son adolescence.
Plus tard, peintre célèbre, il restera lié à Ornans. La Loue, qui baigne la petite ville, aux rives bordées de vieilles maisons à balcons de bois, a été immortalisée par Courbet. Sur le parcours de la rivière, on peut admirer des sites qui portent le nom de « miroir », ce qui a fait dire que les toiles de Courbet se reflètent dans les miroirs de la Loue. Il a peint 300 paysages des environs.
La maison natale du peintre n’a guère été modifiée. Elle s’ouvre sur un jardin suspendu, au bord de la Loue. Devenue musée en 1939, on y trouve des objets personnels du peintre : sa palette, son chevalet, sa table de travail et un mannequin articulé. Par la fenêtre, on peut contempler le même paysage que l’artiste a représenté, laissant ainsi des tableaux qui comptent parmi les plus grandes œuvres du 19ème siècle. Cet attachement à la terre natale a valu à Courbet le titre de « Maître d’Ornans »
La région Rhône Alpes a toujours attiré l es artistes. Certains y ont demeuré et les lieux, les paysages les ont inspirés. Qui ne connaît, chez nous, le séjour de Jean-Jacques Rousseau aux Charmettes
« Ici commence le court bonheur de ma vie, ici viennent les paisibles mais rapides moments qui m’ont donné le droit de dire que j’ai vécu. Je me levais avec le soleil et j’étais  heureux, je voyais « maman » et j’étais heureux … Je cueillais les fruits…et le bonheur me suivait partout…Il ne pouvait me quitter un seul instant »extrait de « Les Confessions »
Les Charmettes est une maison qui se situe aux portes de Chambéry. On y accède par un délicieux chemin de chênes et de charmes que Jean-Jacques a suivi bien des fois pour aller donner des leçons de musique aux jeunes filles de la ville.
La maison est pareille a tant de maisons savoyardes, carrée de forme, faite de pierres grises, dressée sur une terrasse. La façade est tapissée de glycines et de rosiers grimpants. Quel délicieux refuge d’artistes, d’écrivains, d’amoureux des choses et des êtres.
Devenue propriété de la ville de Chambéry, la maison a été très peu modifiée dans son aspect comme dans son aménagement. Ouverte au public, elle est la demeure du souvenir et les visiteurs peuvent lire une inscription gravée dans le mur d’entrée :
Réduit par Jean-Jacques habité
Tu me rappelles son génie,
Sa solitude, sa fierté,
Et ses malheurs et sa folie.

Enfin, dans cette demeure, on peut voir la chambre du « petit » et la chambre de « maman » séparée par un oratoire….Le jardin où Rousseau herborisait est intact.
Rousseau, le promeneur solitaire de la forêt d’Ermenonville, en Ile de France, emportait des cartes à jouer faites dans un modeste papier. Sur ces cartes, il notait, recto-verso, ses impressions, ses réflexions de promeneur. Ces cartes sont précieusement conservées aux archives de la Bibliothèque de Neuchatel en Suisse, ainsi qu’un petit carnet  où il écrivit de sa main, à l’écriture extra-fine, la première phrase des « Rêveries »

Toujours en Rhône Alpes, une halte s’impose à la Côte Saint André, qui « est bâtie sur le versant d’une colline et domine une assez vaste plaine, riche, dorée, verdoyante, dont le silence a je ne sais quelle majesté rêveuse encore augmentée par la ceinture des montagnes qui la borne au sud et à l’est, et derrière laquelle se dressent au loin, chargés de glaciers, les pics gigantesques des Alpes » Ces lignes sont extraites des Mémoires d’Hector Berlioz, qui a passé les dix huit premières années de sa vie dans cette ville iséroise où il est né en 1803. Il restera marqué par ces lieux où il vint souvent en pèlerinage pour s’y ressourcer

C’est dans cette bâtisse de la fin du 17ème siècle que le compositeur a vu le jour. On peut dire que c’est un lieu habité. Propriété du département de l’Isère depuis vingt ans, elle a été transformée en musée.
Les trois niveaux qui composent ce bâtiment offrent au visiteur de nombreux documents et malgré le peu de vestiges, l’ensemble suffit à faire sentir la présence de Berlioz à tel point qu’on espère que c’est lui, en personne, qui va nous recevoir…
Berlioz conçut des sentiments très forts pour une jeune fille nommée Estelle.
« La musique m’a été révélée en même temps que l’amour, à l’âge de 12 ans ! » Cette passion, sans espoir, durera jusqu’à ses 60 ans. « Il est des illusions, des rêves, qu’il faut savoir abandonner quand les cheveux blancs sont arrivés ! » écrira-t-il.
Photo d’Anna de Noailles
Tout près d’ici, à Amphion, vécut Anna, comtesse de Noailles, née princesse de Brancovan.
Son père, le prince Grégoire de Brancovan, né à Bucarest, acheta, après son mariage avec Rachel, future mère d’Anna, un chalet sur les bords du lac Léman, à Amphion. Ce chalet était la propriété du Comte Walewski, fils naturel de Napoléon 1er et de Marie Walewska, la maîtresse polonaise de l’empereur
« Le chalet, les routes, le lac, les collines de Savoie me causaient quand j’étais parmi eux, un enivrement et quand j’en étais éloignée, une détresse dont dépendaient ma santé, ma secrète humeur…Dans le jardin du Léman, je n’écoutais que les voix de l’univers » « Je dois tout à un jardin de Savoie et au double azur qui m’a éblouie dès l’enfance » écrit Anna de Noailles dans « Le livre de ma vie »
Dans ces lieux, des personnalités du monde entier ont été reçues par les parents d’Anna. La jeune fille a éprouvé pour une de ces personnes, un sentiment d’amour platonique d’adolescente sensible. Ignace Paderewski, compositeur et homme d’Etat polonais qui vint souvent à Amphion où il se plaisait à jouer au piano avec la mère d’Anna
(musique : le menuet)
Photo du chalet
Que sont devenus le chalet et le château construit par le prince de Brancovan  Il ne reste plus rien de cet endroit si ce n’est un jardin votif, et dédié à Anna de Noailles.
Photo du monument
 Une sorte de kiosque y est bâti où l’on peut lire ces vers d’Anna :
Etranger qui viendra, lorsque je serai morte,
Contempler mon lac genevois,
Laisse que ma ferveur, dès à présent t’exhorte
A bien aimer ce que je vois…
De là, on voit le soir, comme d’ardents insectes
S’allumer Lausanne et Montreux.
Peut-être a-t-on mis là, comme je le souhaite
Mon cœur qui doit tout à ces lieux,
A ces rives, ces prés, ces azurs qui m’ont faite
Une humaine pareille aux dieux !
Photo
Le cœur d’Anna repose dans le cimetière de Publier
(Photo de Giono)
Notre vagabondage à la recherche des lieux d’inspiration, nous conduit en Provence et d’abord à Manosque. Le Manosque de Giono, pas celui d’aujourd’hui.
Jean Giono est né dans ce village le 30 mars 1895.
(photo)
En 1920, après son mariage, il achète une maison sur la colline du Mont-d’Or qu’il appellera « le Paraïs » où il vivra jusqu’à sa mort le 9 octobre 1970.
(Photo de Manosque)
Dans « Manosque des plateaux », il compare sa ville natale au sein d’une nourrice « Elle bombe sa ligne pure gonflée par l’artère des eaux, la plaine vient téter ses sources, puis s’en va, lourdes d’arbres et de blé » Giono, le menteur vrai, le passionné d’une Provence inventée et pourtant vraie, terre froide, dure, silencieuse, est le romancier qui a eu avec cette Provence des rapports quasi conjugaux. Il l’a aimée comme une épouse, désirée comme une maîtresse, mais ne la supportant pas toujours, cherchant même à la fuir (en Italie) mais il l’a peinte avec amour. De lui-même, Giono écrira : « Je suis un aventurier assis »
Photo de Cézanne
Dirigeons  nous vers Aix en Provence. La ville où est né le peintre Paul Cézanne en 1839 et où il est mort en 1906.
(photo du Jas de Bouffan)
Ayant hérité, à la mort de son père, de la propriété du Jas de Bouffan, Cézanne a éprouvé dans cette maison de campagne, une pure joie de peindre. Mais c’est dans son atelier des Lauves qu’il passera le plus clair de son temps S’il ne vivait pas dans cet atelier, il y montait tous les matins
.(photo de la Ste-Victoire)
Il partait peindre « sur le motif » c’est-à-dire il allait vers la Sainte-Victoire. Cette montagne mythique dont Giono a dit : « La montagne avec sa fantastique voilure de rochers blancs est comme un vaisseau fantôme en plein jour » elle  fut sa gloire, mais aussi sa douleur car il l’a peinte tellement de fois, et la cause indirecte de sa mort, puisque surpris par un orage sur le chemin du Tholonet, il perd connaissance et mourra d’une congestion pulmonaire.
A la mort de Cézanne, son fils Paul a hérité de l’atelier qu’il vendit à un écrivain local  Trente ans plus tard quand celui-ci mourut, la maison allait être démolie, la ville d’Aix refusant de la prendre en charge. Alors, grâce à une association américaine qui la achetée pour en faire don à l’Université d’Aix en Provence.
(photo)
L’atelier des Lauves devint musée municipal et le site fut ainsi sauvé in extremis de la ruine et de l’oubli et c’est tant mieux.
Tel qu’il est conservé aujourd’hui, ce lieu est profondément émouvant. Situé à présent, dans une zone de constructions d’H.L.M. et de nœuds autoroutiers, c’est, à l’intérieur, un havre de paix. L’atmosphère monacale que le peintre y avait créé a été conservé. C’est un haut lieu de la peinture et du souvenir. On y retrouve le chevalet de l’artiste, sa chaise paillée, sa houppelande, ses chapeaux, ses sacoches qui lui servaient pour emporter son matériel sur le motif. Sur la droite de l’atelier, Cézanne a fait creuser une fente dite « passe-tableau » pour y faire passer une de ses dernières toiles
Van Gogh : les Blés jaunes
Van Gogh a 35 ans quand il arrive en Arles en février 1888. Il avait déjà traversé des épisodes douloureux, des crises d’abattement, de misères, d’espoirs déçus. Il va travailler intensément. Il peint, beaucoup de jaune, sa couleur préférée. Mais après une dispute avec Gauguin, Van Gohg devenant de plus en plus nerveux, finit par se trancher le lobe de l’oreille.
Photo du jardin avec le banc
Alors, sur sa demande, il est interné à St- Paul de Mausole, près de St- Rémy de Provence. C’est dans ces lieux que, pendant 18 mois, l’artiste ayant des périodes de calme, va peindre les iris, les cyprès, le jardin de l’hospice
Photo du portrait l’homme à l’oreille coupée
Il y peindra aussi le célèbre autoportrait de l’homme à l’oreille coupée
Enfin,  il quitte Arles pour Paris et surtout Auvers-sur-Oise où il peindra le fameux tableau
L’église d’Auvers
Vincent séjourna à Auvers à l’auberge Ravoux dite »Maison de Van Gogh qui abrite la « chambre du suicidé » où il est mort le 29 juillet 1890 après s’être tiré une balle de revolver dans la poitrine.
Le château de Vauvenargues
C’est au pied de la Sainte Victoire, mais du côté opposé aux Ste-Victoire de Cézanne, que Picasso découvrit le superbe et austère château de Vauvenargues. Il a été séduit non seulement par cette énorme bâtisse de style espagnol, mais aussi par les paysages cézanniens qui l’entouraient.
Il décide de s’installer en plein hiver, sans chauffage et il peint. L’Espagne marque les toiles peintes à Vauvenargues, toiles dures violemment découpées.
Du Bateau Lavoir au château de Vauvenargues, quel chemin parcouru ! Picasso repose en ces lieux depuis le 10 avril 1973.
Notre vagabondage se poursuit à travers la province aux multiples trésors et nous voici au bord de l’océan
A Rochefort, l’anse de la Charente caresse les murs de la Corderie royale. Magnifique bâtiment de 373 m édifié en 1666. Les bateaux qui se reposent sur les ondes du fleuve, rapportent de l’océan le souffle du grand large et la senteur des épices.
« A Rochefort, on vit l’ici en rêvant d’ailleurs »
C’est ici que Julien Viaud, découvre sur le quai de la Charente, des perspectives de voyages et d’aventures.
En contemplant la mer, il sent l’appel du grand large : « Nous restâmes un moment l’un devant l’autre, moi fascinée par elle… J’avais l’insaisissable pressentiment  qu’elle finirait un jour par me prendre » Alors Julien devient marin et parcourt le monde. Toute sa vie il partira pour mieux revenir.
L’hiver à Rochefort, les notes qu’il a prises au cours de ses voyages, se transforment en pages de romans. Pierre Loti est né.
Photo : intérieur de la maison
Il rachète à sa mère la maison de son enfance et en 1878, il réalise son « palais » : le salon turc, la chambre située à l’étage. Tapis, coussins, tabourets orientaux, collection d’armes et de narghilés prennent leur place, le plafond s’inspire de l’Alhambra de Grenade.
Photo de « La Mosquée »
A l’étage suprême de la maison Pierre Loti va créer une mosquée. « C’est le coin du monde auquel je reste le plus fidèlement attaché ». Le biographe de Pierre Loti écrit : « Cette demeure exhibitionniste mais extravertie, est un espace poétique par excellence et reflète une poétique de l’espace. »
Photo de Nohant
Comme dans tous les voyages, le temps nous est compté et de ce fait, nous ferons une courte halte à Nohant. La maison de Nohant est un exemple de ces demeures que le sort a doublement marqué. En effet, maison de famille et maison d’auteur. George Sand, née Aurore Dupin, y a écrit la plupart de ses œuvres. Frédéric Chopin y a fait de nombreux séjours
Photo de la table
Mais c’est un lieu où le Paris intellectuel des années 1830, se rencontrait l’été. Delacroix, Tourgueniev, Liszt, Balzac, Théophile Gautier, y trouvaient le gîte et le couvert.
Chopin , qui voulait toujours Nohant et qui ne supportait jamais Nohant, y composa quand même les œuvres majeures de sa production : 34 opus, mazurkas, polonaises, nocturnes, ballades et valses   
usique Chopin (nocturne N° 2op 15)
Photo d’Alain -Fournier
Dans cette campagne berrichonne, comment ne pas avoir une pensée pour « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier né en 1886 à la Chapelle d’Angillon ? Il écrivit aussi des poèmes ; celui-ci entre autres :
Miracles
Chercher des fleurs pour vous les mettre à la ceinture
Mes pensées frissonnantes pour en faire un bouquet
Gardez-vous bien surtout, de passer aus sentiers
Où les herbes, ce soir, ont d’étranges allures,
Où les herbes sont folles et meurent de rêver !…
Si vous alliez mouiller vos petits pieds !…
Les rondes folles se sont tues,
Les herbes folles vont dormir
.L’allée embaume à en mourir …
Tu peux venir, ma bienvenue !
Photo du château de Saché
Hélas, il faut poursuivre notre chemin pour faire une courte escale à Saché, afin d’y voir le château et apercevoir l’ombre de Balzac, inspiré par les lieux  « Le Père Goriot, « Le Lys dans la vallée » et d’autres y furent écrits
Photo d’Etretat
Il va nous falloir des bottes de sept lieues pour arriver à Etretat.
Au 19ème siècle, Etretat  est un des sites normands les plus connus. Entre ciel, terre, mer, la longue muraille de craie de la Côte d’Albâtre a inspiré de nombreux artistes, peintres et écrivains. Falaise d’Aval, falaise d’Amont ont attiré Courbet, Corot, Boudin, Renoir, Monet et bien d’autres qui trouvaient ici, les motifs  qui deviendrait des chefs-d’œuvre
Gustave Courbet : La Vague
En 1869, par exemple, Gustave Courbet peignit « La Vague » sous les yeux admiratifs du jeune Guy de Maupassant, qui plus tard, ayant fait construire une villa « La Guillette » qui existe toujours, d’où il partait, avec Claude Monet, traquer la lumière tout en s’extasiant sur « les grandes falaises pareilles à deux jambes marchant dans la mer, hautes à servir d’arches à un navire ».
Photo du « Clos Lupin »
Mais nul n’ignore le rôle joué par « l’Aiguille creuse » dans la littérature populaire. Ce monument naturel a servi de repaire à Arsène Lupin, le gentleman cambrioleur créé par Maurice Leblanc, qui ayant acheté une maison à Etretat, l’a baptisée « Le Clos Lupin » On dit que l’auteur, a la fin de sa vie, tellement habité par son héros, fit surveiller la maison par la police craignant que Lupin lui jouât un mauvais tour « avec lui, on ne sait jamais » ! Le Clos Lupin existe toujours et Grognard, le fidèle complice du célèbre monte-en-l’air, accueille toujours les visiteurs….
A partir de la fin du 18ème siècle, le paysage commence à séduire les artistes et en particulier la Normandie pour sa lumière. Les peintres anglais en font déjà leur atelier de plein air . Turner, dont l’art est à l’origine de l’impressionnisme est visionnaire de la lumière, y a planté son chevalet à plusieurs reprises.
Tableau des nuages
Le ciel normand a été très souvent peint par Eugène Boudin natif de Honfleur. Les nuages… »ces merveilleux nuages là-bas » a écrit Baudelaire dans son magnifique poème « l’Etranger » composé à Honfleur où nous arrivons pour évoquer un lieu que les peintres qui allaient être les impressionnistes rendirent célèbre dans la 2ème moitié du 19ème siècle
La Ferme Saint-Siméon
« Une vraie ferme, je vous l’atteste, et dans la plus ravissante situation. Une haie à hauteur d’homme en protège les abords. Elle appartient à la veuve Toutain, une vaillante femme que les orages de la vie  n’émeuvent pas plus que les tempêtes de l’océan… » Les chambres de l’auberge sont décorées à la craie, au charbon, à la mine de plomb, de portraits, caricatures, paysages, ou poésies.
Eugène Boudin évoque le souvenir de ses amis à l’auberge : « Oh ! St-Siméon, il y aurait une belle légende à écrire sur cette hostellerie ! Que de gens y ont passé et des célèbres à ma suite »…Qui sont-ils : Corot, Courbet, Daubigny, Jongkind, Monet, Pissaro…Peintres, poètes et musiciens se succèdent. Leurs points communs ? Une grande camaraderie, de la bonhomie et le même amour du métier.
Photo de l’auberge Ganne
Au début du 19ème s , trois villages proches de la forêt de Fontainebleau, près de Paris, étaient fréquentés par les peintres : Barbizon, Chailly-en-Bière et Marlotte. Grâce au chemin de fer on s’y rendait facilement. La forêt était pittoresque et surtout la vie y était moins chère qu’à Paris.
A partir de 1822, l’auberge du Père Ganne à Barbizon, fut un lieu de rencontre des « plainairistes » ces rapins à la barbe de bison. Mais on peut dire que c’est dans ce village qu’est né le paysage français. Les peintres ont à portée de leur regard la lumière, le soleil, la pluie , les nuages, les vastes espaces, les reflets de l’eau.
Aujourd’hui, Barbizon est devenu un lieu résidentiel. Il ne reste que l’atelier de Théodore Rousseau et celui de Millet. L’auberge Ganne est devenue musée
Photo intérieur
Mais à l’intérieur, on peut voir des vestiges, des traces des peintures que les rapins avant de connaître la gloire avaient ébauchées sur les murs, les meubles, les portes pour payer leur hébergement. Corot, Daubigny, Millet y firent des séjours prolongés. A visiter ce lieu on ressent beaucoup d’émotion.
« Les peintres de Barbizon
Ont des barbes de bison
Mon Dieu, quelles barbes y z’ont
Les peintres de Barbizon » chantait-on dans les rues du village.
Photo de la Grenouillère
Nous nous rapprochons de notre point de départ et faisons halte au bord de la Seine, à Chatou.
Après Barbizon et la ferme normande, il est aussi un lieu fréquenté par les jeunes peintres de plein air que sont Monet, Renoir, Bazille, entre autres, qui après Fontainebleau allèrent planter leur chevalet sur les bords de la Seine, dans l’île de Croissy, dans cette guinguette appelée « La Grenouillère ».
Ce site charmant comportait un café flottant, rendez-vous des canotiers. Maupassant qui connaissait bien les lieux en fait le portrait : « Des couples erraient sous les hauts feuillages, le long de la Seine où glissaient des canots. C’étaient des filles avec des jeunes gens, …de grandes filles au cheveux roux qui étalaient par devant et par derrière, la double provocation de leur gorge et de leur croupe.. Sur le fleuve, les yoles longues et minces filaient, enlevées à grands coups d’aviron par les rameurs aux bras nus. »
La Grenouillère inspira aussi, mais longtemps après, Jean Renoir,le cinéaste et Jacques Becker, qui y tournèrent « Casque d’Or » avec Simone Signoret et Serge Reggiani.
Si l’écriture est l’outil le plus ancien et toujours le plus moderne pour communiquer d’homme à homme, d’une génération à l’autre, d’un peuple à l’autre, malgré les nouvelles technologies, notre but, en vous proposant cette promenade n’a pas été de cultiver le souvenir, mais de vous donner l’envie, peut-être même le besoin, de découvrir ou redécouvrir les textes de ces écrivains, les tableaux de ces peintres, d’écouter, ou réécouter la musique de ces compositeurs, enfin de lire ou relire ces poètes que nous avons évoqué à travers ces hauts lieux de l’art dont la France est si riche. Souvent mieux connus par les étrangers..
Dans notre monde en pleine mutation, nous avons besoin de rechercher nos racines ; Les hauts lieux sont ces points d’ancrage. Les prestigieux témoignages que nous ont laissé nos ancêtres sont des phares de l’esprit.
En conclusion permettez-moi de citer Marcel Proust « Rien ne meurt de ce qui a vécu…parce que ce qui est sorti d’une pensée peut seul fixer un jour, une autre pensée, qui à son tour , a fasciné la nôtre »